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Fromentaux

On avait certainement l'air de loubardes à trainer ainsi un dimanche après-midi d'hiver dans ce vaste camp abandonné des Fromentaux. C'est un lieu un peu mythique, qu'on a souvent observé depuis les fenêtres des wagons de TER, lors des classiques voyages Ambérieu – Lyon. Le chien nous accompagnait ce jour-là. Il naviguait tranquillement entre les différents entrepôts du site, tout en nous surveillant du coin de l'oeil, spécialement lorsque nous disparaissions quelques minutes à l'intérieur de l'un d'entre eux. Bizarrement, il n'a jamais été tenté par l'exploration des bâtiments du chenil.

La zone ouest des magasins de stockage de munitions reste ma parcelle préférée. L'alignement des anciens blocs et leurs numérotations, la végétation dont plus personne ne se soucie et qui s'en donne à cœur joie, la voie ferrée qui découpe l'espace et la plaine de l'Ain qui s'étire à l'horizon. L'espace est tellement immense qu'il nourrit bon nombre de fantasmes. De 1919 à 1948, le site porte le nom d'Entrepôt de Réserve Générale du Temps de Paix. J'aime l'effet que ça fait quand on y pense.

On surveille les actualités : le projet Transpolis, sorte de ville-laboratoire qui permettrait de tester des solutions de transports urbains, devrait être lancé d'ici deux ans. En attendant, on apprend par Le Progrès que des gars du coin se sont fait pincés alors qu'ils récupéraient une demi-tonne de poutrelles d'acier découpées au chalumeau.

Lac de Sylans

Le lac de Sylans, situé sur la route de Genève, n'aurait pas eu droit à son panneau sur l'autoroute des Titans sans l'existence de monsieur Moinat, limonadier de Nantua. En 1864, il décide d'aller découper les blocs de glace qui se forment sur ses eaux peu profondes, afin de rafraîchir les boissons qu'il distribue en ville. Ainsi commence l'exploitation des glacières de Sylans qui livreront leurs wagons de fraîcheur, de Paris à Alger, pendant un demi-siècle.

Il y a deux ou trois ans, on mangeait un steak au Relais des glacières, un petit routier tenu par l'une des familles turques de Nantua, et on s'est rendu compte que les bâtiments étaient en cours de réhabilitation. C'était pas bon signe. La commune avait profité d'une transformation de la célèbre ligne des Carpates - qui relie désormais Bourg en Bresse à la Suisse à grande vitesse - pour déblayer la zone, installer des barrières, quelques spots colorés et une pancarte pédagogique sur l'écologie locale.

A défaut de pouvoir prendre le téléphérique que monsieur Moinat rêvait de construire dans son eldorado, on peut grimper à côté de l'antenne de téléphonie mobile et voir ce qui reste de l'époque où c'était un lieu intéressant.

Chambod

2013 était l'une de ces années où, entre autres, le barrage de l'Allement organisait une vidange de la rivière d'Ain. On s'en faisait un petit événement, avec son lot de fantasmes ordinaires : bancs de poissons desséchés, carcasses de vieilles Peugeot, village englouti dont on découvre les ruines.

Depuis Poncin, on a remonté la rivière qui n'était plus grand chose. L'île Chambod, réputée pour ses croisières en pédalo jaune, ressemblait à une touffe d'herbe dans un désert de boue. Quelques familles en cirés étaient venus admirer la scène. Ils cherchaient un tout petit détail, dans ce paysage, qui leur permettrait d'inventer des histoires aux enfants. On l'a cherché, nous aussi, ce détail. On est allé à la Guinguette, sur la plage, où l'on s'est rendu compte qu'à l'endroit où les gens plongeaient, ils sautaient en réalité d'une falaise de plus de quinze mètres. Que vraisemblablement, c'était pas la peine d'aller pêcher à Merpuis. Que le village immergé, c'était juste les piles d'un vieux pont en pierre. Et qu'on n'avait noyé aucun crime en Haut-Bugey.

Ce jour-là, le barrage paraissait tout petit. En suivant les lignes électriques, on pouvait relier ce trou d'eau aux vitrines des pizzeria de Pont d'Ain, dont l'enseigne reste éclairée toute la nuit. Du coup, on n'a presque pas pris de photos.

Poncin

Le viaduc autoroutier de Poncin est un pont en poutre-caisson. Achevé en 1986, il permet à l'A40, joliment nommée l'autoroute des Titans, de franchir la rivière d'Ain.

L'accès sous l'ouvrage se fait par la route, et on trouve bien sûr quelques tags sur les piles. L'ambiance est curieuse; on admire la vue sur Poncin et les monts d'Ain dans le vacarme du passage des voitures.