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Servas

"L'ain, département jadis fiévreux et misérable". On m'a souvent répété cette phrase d'un ton taquin, mais indulgent. Il est vrai, et c'est ce qui nous fait parfois dire c'est une terre du pas grand chose, qu'il y a longtemps, la Bresse et la Dombes étaient un vaste marécage. Peu à peu il s'est asséché, et les forêts se sont étendues.

Le peuple bressan, d'origine gauloise, est encore réputé pour les rites et croyances qu'il a perpétué, et qui étaient en grande partie dus à l'isolement dont il était victime chaque hiver. Les rivières et les champs, se gorgeant d'eau à la moindre averse, les séparaient du reste du monde. Un jour, on a découvert le maïs, qui s'est étendu rapidement sur des terres qu'on savait fertiles comme ça n'est pas permis. Très vite, la volaille de Bresse, nourri au-dit maïs qui lui fait la cuisse grasse et le ventre jaune, provoque la fortune des petits paysans bressans, qui pavanent dans les grandes villes dans leur costume folklorique ceinturé de pièces d'or.

Encore aujourd'hui, les repas de famille se déroulent autour d'un bon poulet à la crème. Hormis le trou normand et jusqu'au fromage, chaque plat est concocté avec des produits du pays, qui vous nourrissent comme s'il devait encore venir à manquer.

Les petits cousins n'ont pas fini leur assiette qu'ils tentent déjà d'escalader les colombages, et deux oncles se sont endormis à table. Sur ma sauce éclaircie au bouillon, le beurre fait de petits étangs. Rien n'est gagné d'avance.